Syndrome post-Covid Hôpital Foch

Syndrome post-Covid : un traitement sur mesure

27/06/2020 (MIS À JOUR À 07:37)Par Tara Schlegel

Reportage |Plusieurs semaines après leur guérison de la Covid-19, bien des patients se plaignent de symptômes persistants qui les obligent parfois à ne plus aller travailler. L’Hôpital Foch, à Suresnes, a créé une consultation « Réhab-Covid », qui propose un bilan personnalisé.

Une patiente mesure sa force de préhension grâce à un dynamomètre lors de cette consultation en banlieue parisienne.
Une patiente mesure sa force de préhension grâce à un dynamomètre lors de cette consultation en banlieue parisienne.• Crédits : Marine Volpi, ville de Suresnes

L’hôpital Foch de Suresnes a créé la première consultation post-Covid proposée en France. Baptisé « Réhab-Covid« , ce parcours de soin cherche à remettre sur pied les malades de la Covid-19 qui souffrent encore de symptômes très handicapants plusieurs semaines après leur guérison.  

Cette consultation a été imaginée par le docteur Nicolas Barizien, médecin du sport et médecin rééducateur. D’ordinaire, son service de réadaptation fonctionnelle accueille des patients atteints de cancers qui bénéficient d’une remise en forme avant leur traitement, ce qui leur permet de bien mieux récupérer ensuite. Depuis quelques semaines, l’équipe du Dr Barizien reçoit des malades qui ont développé une forme plutôt légère de la Covid-19 mais qui ont l’impression de ne pas en sortir. 

Des patients plutôt jeunes 

« Notre consultation s’intéresse aux patients plutôt jeunes, actifs, qui présentent une résurgence de leurs symptômes, à distance de leur épisode aigu de la Covid », explique le chef du service de l’unité de réadaptation fonctionnelle de l’hôpital Foch. Il sourit derrière sa visière transparente et s’excuse : il n’a pas encore eu le temps de déjeuner, les patients du matin même ont pris un peu de retard. Normalement, il faut une demi-journée pour boucler tous les diagnostics, mais parfois cela se prolonge un peu. Le Dr Barizien mangera donc sur le pouce, avec son équipe, avant de retourner à ses patients, non sans avoir détaillé très précisément les différentes étapes du parcours qu’il a imaginé pour ces malades. 

Des malades qui décrivent tous à peu près la même trajectoire. Un mois et demi à deux mois après la fin de leurs symptômes aigus – c’est-à-dire de la fièvre et souvent une gène respiratoire – ces patients développent de nouveaux symptômes « qui sont quasiment la même chose, sauf la fièvre, liste le docteur Barizien, ils souffrent d’essoufflement au moindre effort, d’une oppression thoracique – l’impression d’avoir une enclume sur la poitrine – de douleurs au niveau des côtes, du sternum, de douleurs à l’inspiration profonde, d’un mal de tête, parfois de migraines, de vertiges, et puis surtout de la fatigue, une grande lassitude »

Il est important de noter, souligne le Dr Barizien, que ces patients sont guéris de la Covid-19 et qu’ils sont adressés par des médecins généralistes en ville ou les spécialistes de l’hôpital Foch, qui ont déjà éliminé d’éventuelles complications liés à la maladie. En amont de leur visite, les patients doivent donc vérifier qu’ils n’ont pas de problème pulmonaire – leur scanner thoracique doit être normal. Qu’ils n’ont pas non plus de problème cardiaque – parfois leurs douleurs thoraciques peuvent faire penser à un infarctus ou a une embolie pulmonaire. Leurs analyses biologiques doivent être normales et leur électrocardiogramme également. 

Deux membres de l'équipe de Nicolas Barizien : Virginie Lecomte, la diététicienne (à gauche) et Joséphine Tschirhart, la psychologue (au centre)
Deux membres de l’équipe de Nicolas Barizien : Virginie Lecomte, la diététicienne (à gauche) et Joséphine Tschirhart, la psychologue (au centre) • Crédits : Marine Volpi/Ville de Suresnes

Quatre critères sont pris en considération 

Même si tous les examens sont normaux, « ces malades ont des symptômes, insiste le médecin du sport, ils ne vont toujours pas bien. On va donc évaluer la ‘fonction’ : ce qu’ils arrivent à faire et ce qu’ils n’arrivent pas à faire. «  Pour cela, l’équipe examine le malade en fonction de 4 critères principaux, détaille Nicolas Barizien  :

  • L’importance de la perte de poids en phase aiguë.
  • La gène respiratoire – l’équipe recherche en particulier un syndrome d’hyper ventilation, c’est une respiration superficielle qui n’est pas efficace et qui explique une partie des symptômes dont souffrent les malades. 
  • Un déconditionnement musculaire, « c’est-à-dire qu’on a perdu une partie de sa masse musculaire. On fait donc le même poids, mais on a un ‘plus petit moteur’ et on n’arrive plus à faire d’efforts », résume le Dr Barizien.  
  • Et, potentiellement, un syndrome anxieux. « Parce que quand on attrape une maladie dont on vous dit, tous les jours, pendant plusieurs semaines que cela tue, qu’il y a beaucoup de morts , qu’on passe en réanimation » constate le Dr Barizien, « qu’on est actif et qu’on vit avec des proches à la maison, c’est anxiogène. Et cela peut générer de l’anxiété, perceptible ou parfois non perceptible, mais pouvant aller jusqu’à un syndrome de stress post-traumatique – comme ce que l’on constate au moment d’attentats, de prises d’otages ou d’événements plus graves. »

Le médecin revient ici sur l’ensemble du processus, du choix des malades aux examens possibles et aux raisons pour lesquels il ne faut pas laisser les patients dans l’incertitude : ÉcouterRéécouter « Les patients se plaignent souvent d’une très grande fatique, une très grande lassitude. »5 MIN »Les patients se plaignent souvent d’une très grande fatique, une très grande lassitude. »

« Donc, nous dépistons cela, parce que ces quatre critères, on sait les soigner ! », se félicite le Dr Barizien, « l’idée est donc de faire le diagnostic d’un dysfonctionnement et de le prendre en charge. » Les malades vont rencontrer tour à tour les quatre membres de l’équipe « Réhab-Covid » pour passer différents tests. 

Le diagnostic avec une kinésithérapeute

Première étape, la kinésithérapeute reçoit les malades qui vont pratiquer plusieurs exercices bien précis afin de pouvoir mesurer leur endurance et leur force. Ce jour là, dans le service de réadaptation se sont présentées deux malades qui ont demandé à bénéficier du programme. Nous suivons Anne-Laure, âgée de 37 ans. Mince et très sportive, cette maman de trois enfants se sent particulièrement fatiguée depuis plusieurs semaines. Elle a attrapé la Covid-19 début avril et, bien que guérie, ne parvient toujours pas à reprendre son activité professionnelle. 

La patiente mesure sa force de préhension grâce à un dynamomètre.
La patiente mesure sa force de préhension grâce à un dynamomètre.• Crédits : Marine Volpi/Ville de Suresnes

Selma Doux est masseur-kinésithérapeute. Elle guide la patiente, Anne-Laure : ÉcouterRéécouter Selma Doux pourra proposer un programme de renforcement musculaire2 MINSelma Doux pourra proposer un programme de renforcement musculaire

Puis la patiente doit effectuer un test d’endurance pour mesurer à quelle vitesse elle est capable de marcher. D’habitude, Anne-Laure fait 40 minutes de vélo par jour, deux heures de tennis par semaine et du yoga. Mais ce jour là, elle a du mal à récupérer. Selma Doux l’encourage dans ses efforts :ÉcouterRéécouter Au bout de 6 minutes de marche, la patiente est anormalement essoufflée.1 MINAu bout de 6 minutes de marche, la patiente est anormalement essoufflée.

Nicolas Barizien résume ce premier diagnostic : « Les kinésithérapeutes évaluent la fonction de base qu’est la marche, grâce à un test de marche de 6 minutes. Ils évaluent aussi la force musculaire, au niveau de la préhension et de la force dans les jambes – c’est ce dont on a besoin pour attraper des choses et pour se lever. » Les kinésithérapeutes notent aussi la capacité des malades à suivre un programme d’auto-rééducation. « Parfois, on va proposer aux gens de faire leur rééducation seuls à la maison, ajoute le docteur, et on calibrera les exercices grâce à l’évaluation des kinés. »

Le regard de la diététicienne 

La diététicienne, Virginie Lecomte reçoit la patiente pour évaluer une éventuelle perte de poids.
La diététicienne, Virginie Lecomte reçoit la patiente pour évaluer une éventuelle perte de poids.• Crédits : Marine Volpi/Ville de Suresnes

Les patients rencontrent ensuite une diététicienne. Au cours d’un long entretien, Virginie Lecomte va évaluer avec le patient comment son poids a évolué au cours de la maladie et s’il s’est rétabli. L’enjeu est la reconstitution de la masse musculaire, essentielle à une bonne santé. « Perdre 10% de son poids total sur un mois amène une dénutrition sévère« , or cela arrive à certains patients Covid prévient Virginie Lecomte : ÉcouterRéécouter « Via l’alimentation on traite le stress, la fatigue, la qualité du sommeil »3 MIN »Via l’alimentation on traite le stress, la fatigue, la qualité du sommeil »

Comme le rappelle le Dr Barizien : 

Le statut nutritionnel est évalué, grâce à une enquête alimentaire sur quelques jours. La diététicienne mène parallèlement un entretien. Et on fait aussi passer le patient sur une balance impédancemètre, qui donne une idée de la répartition de sa masse corporelle : elle calcule combien de % d’os on possède, combien de % d’eau, de masse musculaire et de masse grasse. 

Troisième étape : l’entretien avec la psychologue

C’est au tour de la psychologue d’intervenir. Joséphine Tschirhart reçoit tous les patients pour un entretien individuel qui lui permet de détecter une éventuelle souffrance psychique. Cette jeune psychologue a parfois déjà rencontré les malades qui, pour la plupart d’entre eux, ont été soignés à l’Hôpital Foch pendant la phase aiguë de leur maladie. Au plus fort de la crise sanitaire, elle a aussi reçu les familles endeuillées et accompagné les personnels soignants très éprouvés par la pandémie. A présent qu’ils sont guéris, et même si l’histoire de chacun diffère, il y a souvent cette même impression de ne pas arriver à s’en remettre, raconte Joséphine Tschirhart :ÉcouterRéécouter « Les patients ne seraient pas forcément venus voir une psychologue par eux-mêmes. »2 MIN »Les patients ne seraient pas forcément venus voir une psychologue par eux-mêmes. »

Cette maladie est très anxiogène, insiste le Dr Barizien, car on a beaucoup dit aux patients qu’elle était grave et capable de tuer. Ils vivent aussi dans la peur de contaminer leurs proches. Certains souffrent donc d’un stress post-traumatique et seront orientés vers des thérapies adéquates.

L’évaluation du médecin rééducateur 

Enfin, les patients sont orientés vers le médecin rééducateur. Le Dr Barizien leur demande de procéder à deux derniers exercices. Monter sur la balance impédancemètre et faire un test d’effort en pédalant pendant environ quinze minutes. Il détaille les machines sophistiquées dont il dispose et guide la patiente, Anne-Laure : ÉcouterRéécouter « On peut se lever et se dire que ça va être une bonne journée, et deux heures après, c’est la catastrophe. »3 MIN »On peut se lever et se dire que ça va être une bonne journée, et deux heures après, c’est la catastrophe. »

L'ensemble du parcours de soin se déroule en une après-midi.
L’ensemble du parcours de soin se déroule en une après-midi. • Crédits : Marine Volpi/Ville de Suresnes

Au bout d’un parcours de trois heures environ, l’équipe élabore son diagnostic. « Soit on ne trouve rien, et c’est tant mieux, se félicite le Dr Barizien, cela veut juste dire que les malades auront besoin d’une convalescence un peu plus longue que ce que l’on connaît pour une maladie habituelle. » Soit son équipe identifie un critère à prendre en charge : « Par exemple, si le malade a perdu 10% de sa masse musculaire, il va falloir la reprendre en faisant de l’activité sportive et en ayant un régime alimentaire adapté pour refaire du muscle. Si, en revanche, il s’agit d’un stress anxieux, cela peut aussi être une prise en charge par une psychologue clinicienne. Elle aura des outils adéquats, soit de la thérapie cognitive et comportementale, soit de l’EMDR – si c’est un stress post-traumatique. » 

Les solutions proposées sont « sur mesure » et réorientent la plupart du temps les malades vers des praticiens extérieurs. Cela dit, ils restent suivis par l’Hôpital Foch. Pour les patients qui auront à faire, par exemple, des exercices de rééducation en autonomie ou à suivre un régime alimentaire spécifique sans l’aide d’un professionnel, un membre de l’équipe « Réhab-Covid » s’engage à les rappeler chaque semaine afin de vérifier leurs progrès. De toutes façons, les malades seront revus au bout de deux mois puis au bout de six mois

Eviter de tomber dans une maladie chronique

Laisser les malades seuls avec leur symptômes est une très mauvaise chose. D’abord, parce que l’incertitude est pire que tout. « Quand on ne sait pas de quoi on souffre, c’est source de grande anxiété » , note le chef du service de réadaptation fonctionnelle. 

Ensuite, parce qu’il faut à tout prix éviter que les dysfonctionnements ne s’installent durablement.  « Les symptômes appelés ‘subaigus’ – c’est-à-dire survenant dans les quelques mois qui suivent l’infection aiguë- sont plus faciles à soigner pendant cette période là, assure le Dr Barizien, qu’au bout de six mois. Après six mois, on parle de ‘chronicité’ et, malheureusement, on est moins bons pour soigner les maladies chroniques. »

Voilà pourquoi l’Hôpital Foch a mis à disposition des médecins généralistes une sorte de guide qui leur permet d’effectuer un premier diagnostic dans leur cabinet, quand ils reçoivent des patients guéris du nouveau coronavirus mais qui se plaignent de troubles. Sur le site internet de l’établissement, on trouve sous l’onglet « professionnels » une page destinée aux praticiens. Ils peuvent y télécharger deux questionnaires d’auto-évaluation à donner aux patients. Le Dr Barizien leur propose aussi de demander au malade d’effectuer un test physique rapide : il s’agit de calculer le nombre de fois où l’on est capable de s’asseoir puis de se lever d’une chaise, en trente secondes. Selon le score, les médecins généralistes verront si leur patient souffre de l’un des dysfonctionnements listés par l’équipe. Le cas échéant, si un malade répond à plus d’un critère, le médecin peut adresser son dossier à l’Hôpital Foch et l’équipe décidera de recevoir, ou non, ce nouveau malade. Pour l’instant, les consultations « Réhab-Covid » sont réservées aux patients déjà suivis par l’hôpital lui-même. 

Une maladie encore très méconnue

Nicolas Barizien avoue que c’est la première fois qu’il voit une infection évoluer de la sorte :

Habituellement, on a des symptômes qui persistent et qui mettent du temps avant de disparaître. On sait que pour une mauvaise grippe, on va tourner la page en un mois, un mois et demi. Tous les jours, semaine après semaine, cela va mieux. Là, on a vu des gens qui avaient l’impression de recommencer à vivre normalement et qui, ensuite, ont à nouveau des symptômes qui les handicapent. C’est la première fois qu’on voit ça.

Il y a encore bien des inconnues à lever, conclut le médecin du sport. On ne peut pas savoir si les symptômes à l’issue de la Covid-19 seront « des choses simples comme celles que nous évaluons en ce moment et que nous sommes capables de traiter. Ou si il va s’agir d’un vrai syndrome chronique Post-Covid. Ce virus nous fait beaucoup de farces et nous ne comprenons pas encore comment il fonctionne ni quels dégâts il a fait dans l’organisme. »